31 janv. 2010

DUMAS; MÉLOMANIE SOLITAIRE.


Je suis allée voir Dumas, en vain, après avoir hésité longuement. J'étouffais ici et ne supportais pas d'y être seule. J'ai pris quelques trucs impulsivement et j'ai quitté pour Joliette. Je suis arrivée en retard, je n'ai pas vu l'introduction. Le placier a pris soin de m'accompagner jusqu'à la place indiquée sur mon billet estampé d'un rouge duplicata. Dumas entamait alors Je ne sais pas; et moi non plus, je n'en savais trop rien.

J'étais seule à la table, à côté d'un quatuor féminin particulièrement festif, j'ai tenté avec mal de m'imprégner de cet esprit. J'aurais voulu que tu sois là pour voir les dorures de la salle Roland-Brunelle, sur fond turquoise. Sous ses airs solennels se cache une ambiance chaleureuse sans cesse renouvelée.

Dumas était beau. Dans sa façon d'être heureux. Dans sa façon gamine de s'amuser sur scène, de faire participer le public, d'alimenter l'exaltation et le calme; la joie et la tristesse. Sa musique ne m'a jamais semblé aussi mélancolique. Ses mots ne m'ont jamais autant atteint. «Le bonheur revient, le bonheur repart, l'amour revient; repart», «Quelque part, notre vie est en retard, quelqu'un t'attend, quelqu'un d'autre que moi, quelque part», «En Liaison passagère, nos trajectoires divergentes, le doute et la tristesse, la vie et nous deux perdus dans le cosmos» et le Linoléum, que je retranscrirais en entier.

Je me suis sentie coupable d'entendre et de voir tout ça sans toi. J'aurais voulu que tu puisses m'accompagner malgré tout; cet autre billet était pour toi. J'imaginais tes commentaires à propos des projections en arrière-plan, à propos des animations sur cette toile circulaire.


Nous n'avons jamais écouté Dumas ensemble, si ma mémoire est bonne. Nous n'en avons même jamais réellement parlé. Je crois que tu aurais aimé; l'approche, l'intimité, le rythme. Même si Dumas fait parfois écho à musique populaire, t'aurais su apprécier la complexité et les subtilités de son dernier disque; Traces.

Caroline m'a rejoint par surprise pour la dernière; Passer à l'Ouest. Dumas a chanté les dernières lignes sans micro, «Ensemble, parmi des milliards, de la naissance à la mort, seuls devant, face à l'inconnu, pour se retrouver, au-delà des frontières, de l'imagination, pour se retrouver» et le public lui, complétait à l'aide de «lalala» chuchotés; comme sur l'originale. Les valves n'ont pu retenir le flux. Je me suis donné le droit, celui dont tu me parlais, d'être anéantie au milieu d'une foule effervescente. Ça m'a apaisée; étrangement.

[Dans l'ordre; Je ne sais pas, J'erre, Dans un rétroviseur, Un train dans la nuit, Capitale du monde, Berlin, Le futur, Un jour sur terre, Nébuleuse, L'amour en fuite, Le bonheur, Au gré des saisons, 13, Quelque part, Alors alors, Tu m'aimes ou tu mens, Linoléum, Miss Ecstasy, Vénus, Passer à l'Ouest]

J'avais envie de te partager tout cela, sans attentes ni arrière-pensées, avant d'entamer l'hibernation. La musique aura été l'un des principaux canaux de cet amour que nous avons consumé.

Notre complicité musicale restera; peu importe.

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